Tous les articles par Jacqueline Collard

Robert Badinter, un grand humaniste vient de nous quitter

Robert Badinter « a marqué l’histoire judiciaire de notre pays par le renforcement des droits des victimes et des personnes détenues, la suppression de la cour de sûreté de l’Etat, ou encore l’initiative d’une réforme du code pénal ». « Son héritage juridique et moral est un bien commun précieux, qu’il nous revient de conserver vivant », conclut la juridiction la plus élevée de l’ordre judiciaire français.

Unanimement chacun confirme cette droiture qui a caractérisé sa vie d’homme politique au service de la nation française: le portrait d’un homme « ayant montré que la politique trouve sa noblesse, non dans l’opportunisme qui suit les vents dominants de l’opinion, mais dans l’exigence de justice qui, souvent à contre-courant, s’efforce de convaincre un peuple « Hommage à Robert Badinter qui a fait sortir le pays de l’obscurité avec l’abolition de la peine de mort »

Après la brève parenthèse de Maurice Faure dans ce même ministère , Robert Badinter est nommé ministre de la justice le 23 juin 1981 et met en œuvre, jusqu’à son départ, le 20 février 1986, un nombre sans précédent de réformes. ll s’agissait d’abord pour le nouveau ministre d’abolir les juridictions d’exception : la Cour de sûreté de l’Etat (loi du 4 août 1981), les six tribunaux permanents des forces armées (21 juillet 1982), la loi anticasseurs (23 décembre 1981), la loi « sécurité et liberté » (10 juin 1983). Il a obtenu la dépénalisation de l’homosexualité, en mettant fin à une loi de Vichy qui établissait la majorité sexuelle à 18 ans pour les homosexuels contre 15 ans pour les hétérosexuels (4 août 1982). Et bien sûr, l’abolition de la peine de mort (9 octobre 1981), puis la ratification du protocole n° 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, malheureusement bien malmenée à notre époque.

« Nous perdons une haute figure intellectuelle et morale. Cet avocat brillant, ce professeur lumineux, ce militant passionné, va beaucoup nous manquer. »

Un rapport de la cour des comptes alerte sur la gestion des risques industriels

La Cour des Comptes a examiné la gestion des risques liés aux installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) dans le domaine industriel,  après une première enquête sur les ICPE agricoles publiée en 2021.

Cela concerne 400 000 sites industriels  aujourd’hui soumis au régime des ICPE, visant à prévenir les risques pour la santé humaine et pour l’environnement.

La conclusion de ce rapport  estime que trop de risques restent ignorés, déplore des moyens de contrôle insuffisants et des sanctions faiblement dissuasives. Elle souligne que la culture du risque reste à développer, y compris chez les élus – même ceux directement concernés. Elle recommande d’accompagner techniquement et financièrement les communes démunies pour sécuriser leurs bâtiments situés en zone de danger.

Nous avions eu connaissance de ces manquements par l’association l’association Amaris qui déplorait que les pouvoirs publics n’aient pas tiré le bilan de la loi dite Bachelot relative à la prévention des risques technologiques et naturels, adoptée il y a 20 ans tout comme quatre ans après l’incendie du site Lubrizol-Normandie logistique, comme par exemple insuffisamment pris en compte également selon elle, des risques dont l’acuité va pourtant croissant, comme les « NaTechs » (accidents technologiques dus à un événement nature) ou les cyberattaques. Elle déplore encore que nombre de polluants « émergents » (au regard de leur prise en compte et pas de leur existence) ne sont toujours pas réglementés, leur encadrement se heurtant souvent à l’absence de valeurs toxicologiques de référence. Elle juge ainsi que « les impacts sanitaires et environnementaux de la pollution des sols et nappes phréatiques ne sont pas assez étudiés », alors que nombre de ces derniers sont « durablement pollués ». Elle souligne en outre que « la volonté de simplifier et d’accélérer les procédures afin de faciliter les implantations industrielles a conduit à restreindre le champ de l’obligation de l’étude d’impact et à rendre facultative la consultation du comité départemental de l’environnement et des risques sanitaires et technologique »

Parmi les recommandations suivant les conclusions il en ressort :

  • un renforcement des moyens de l’inspection des installations classées, comme pour des moyens alloués au recensement des sites pollués  et à leur dépollution  (le fonds vert pourrait être aidant). Pour des moyens renforcés pour la police environnementale de l’inspection des installées classées, fortement sollicités par l’essor des éoliennes terrestres et des méthaniseurs, mais aussi par l’application du règlement européen REACH et l’instruction des projets soutenues par le plan France 2030.
  • un renforcement du dispositif de sanctions « Les suites administratives demeurent peu dissuasives à l’exception des astreintes », les plafonds n’étant ni proportionnels aux capacités financières des contrevenants, ni à l’enrichissement qu’ils sont susceptibles de tirer de la situation de non-conformité
  • un renforcement et un développement de la culture de sécurité. Conformément à la loi Matras, un décret de septembre 2023 étend le champ des communes sur lesquelles pèse une obligation d’information sur les risques majeurs. Il revoit également certaines dispositions relatives aux documents départementaux et communaux sur les risques majeurs. Il prévoit notamment pour les maires des communes concernées l’obligation d’organiser au moins tous les deux ans des actions de communication ayant notamment pour objet d’inciter la population à participer aux exercices prévus.

https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/2024-01/20240201-S2023-1508-ICPE-industrielles.pdf

Décret n° 2023-881 du 15 septembre 2023 pris pour l’application de l’article L’article L.125-2 du code de l’environnement

https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000048080018

La sécurité sociale alimentaire (SSA) officialisée à Grenoble

Le conseil municipal de Grenoble, le 5 février, a précisé les contours d’une initiative locale inspirée de la SSA : son contexte, son ambition, ses modalités.

Un collectif national appelle à l’expérimentation locale de mécanismes s’inspirant de la Sécurité sociale de l’alimentation afin de contribuer à la construction d’un système pensé par le bas, au plus près des besoins des consommatrices et consommateurs et des productrices et producteurs, reposant sur trois piliers : l’universalité d’accès, le conventionnement organisé démocratiquement, le financement basé sur la cotisation sociale.

Dans un contexte d’inflation et de la précarisation d’une partie des citoyens, la multiplication des expérimentations locales permettra de servir de plaidoyer national pour la réalisation d’un nouveau droit universel à l’alimentation.

En s’appuyant sur l’étude de faisabilité et les différentes consultations, la Ville de Grenoble propose un mécanisme de SSA de type associatif : la façon la plus simple de porter la caisse de cotisation est une association loi 1901, en charge de la gestion de celle-ci. Cette caisse de cotisation serait abondée par ses membres, par des subventions publiques et par des financements privés. Les grenobloises et grenoblois cotisant à la caisse recevront mensuellement de celle-ci une somme forfaitaire, laquelle sera utilisable pour se procurer des denrées alimentaires dans un réseau de distribution conventionné.

Les acteurs et actrices intéressé-es se rassemblent au sein d’une assemblée partenariale où trois premiers groupes de travail ont été définis :

  • Le groupe de travail « Mobilisation citoyenne » œuvre à l’émergence et à la pérennité d’espaces d’échanges et de discussions sur les pratiques et les besoins alimentaires et agricoles de la population grenobloise. Ces espaces émergeront dès 2024.
  • Le groupe de travail « Production et distribution » réunit des acteurs de la production et de la distribution pour organiser le conventionnement de l’offre alimentaire.
  • Le groupe de travail « Mécanique de la cotisation » élabore le système des cotisations en tenant compte des tranches de revenus des personnes ou des foyers.

Ce dispositif sera évalué :  la Ville mobilisera ses compétences internes, avec l’aide d’un comité scientifique regroupant savoirs académiques et compétences d’évaluation des politiques publiques.

Malgré les promesses du gouvernement, l’incertitude du monde paysan persiste

Face au mal-être ancien et profond de la profession agricole, celui-ci ne sera pas résolu si des mesures adaptées ne sont pas  prises.

Ce modèle est particulièrement destructeur du vivant, affectant la biodiversité, l’eau, les sols, comme les conditions de détention des animaux, mais en première ligne les agriculteurs eux-mêmes. Les seuls bénéficiaires de cette situation sont l’industrie agro-alimentaire, les fournisseurs de produits photo-sanitaires et la grande distribution, mais surtout pas la majorité des petits agriculteurs qui ne sont pas dans les syndicats majoritaires et qui vivent dans des conditions financières inacceptables. Les lois Egalim, respectivement votées en 2018, 2021 et 2023 devaient permettre aux agriculteurs d’avoir un « revenu digne en répartissant mieux la valeur » et elles sont pointées du doigt pour leur échec.
C’est dans ce cadre que le Ministre des finances a annoncé rapidement « Tous les distributeurs et tous les industriels qui auront reçu une injonction auront quelques jours pour se conformer à la loi Egalim, faute de quoi ils seront sanctionnés à hauteur de 2% de leur chiffre d’affaires. » Côté européen, la Commission promet quant à elle de revenir sur l’obligation de mise en jachère ; mais rien sur les accords de marché internationaux déstructurant la production française.

Mais d’autres mesures qui ont satisfait les grands syndicats ont atterré les ONG préoccupées par l’affaiblissement de la biodiversité et celles qui sont soucieuses de la santé des populations tout comme celles qui soutiennent les agriculteurs victimes des phytosanitaires : le moratoire sur les plans Ecophyto, la baisse des contraintes sur ces produits toxiques.

Suivons l’avancée des mesures nécessaires afin de rendre à la France, la souveraineté alimentaire qu’elle demande depuis des années.

Tromperies sur des eaux en bouteille dans le commerce

Pendant des années, des eaux vendues comme « de source » ou « minérales naturelles » ont subi des techniques de purification interdites.

 C’est ce qu’a révélé un rapport confidentiel de l’inspection générale des affaires sociales (IGAS) à propos de traitements non conformes (microfiltration, filtres UV, charbons actifs) qui ont été utilisés pour purifier des eaux en bouteille. Alors que ces traitements sont autorisés sur l’eau du robinet, ces systèmes de purification sont interdits pour les eaux minérales et de source, réputées provenir de sources préservées de toute contamination bactérienne ou chimique.

Une  décision prise, le 22 février 2023, au terme d’une réunion interministérielle, permet d’assouplir la réglementation par voie d’arrêtés préfectoraux, afin d’autoriser des pratiques de microfiltration réputées jusqu’ici non conformes et de permettre ainsi la poursuite de l’exploitation de plusieurs sites.

Il en ressort qu’un tiers au moins des marques françaises sont concernées, parmi les plus courantes , dont celles du numéro un mondial de l’eau minérale,   qui ont reconnu ces pratiques. ce qui est encore plus étonnant c’est que le gouvernement a assoupli la réglementation dans la plus grande discrétion  depuis 2021.

Après les études démontrant la contamination par les nanoplastiques dans les bouteilles d’eau achetées dans le commerce, pensons à revenir à l’eau du robinet beaucoup moins chère et bien contrôlée.