Tous les articles par Jacqueline Collard

Une demande de production de fleurs en agriculture biologique tend à voir le jour

« Aujourd’hui, il reste moins d’une dizaine de producteurs de roses dans le Var, alors qu’on en recensait une centaine dans les années 80, constate Gilles Rus, directeur développement au Marché aux fleurs de Hyères, dans le Var, premier département producteur de fleurs. Et c’est du bout du monde qu’arrive la majorité des fleurs dont les roses, que nous achetons chez notre fleuriste, cultivées dans des conditions écologiques souvent déplorables.

Nous importons dans notre pays, la majorité des fleurs coupées souvent en direct des Pays-Bas, plaque tournante du marché européen, celles ci  viennent souvent de très loin en avion, après des traitements avec de multiples  produits phytosanitaires, dans des serres chauffées, par le soleil ou artificiellement. Les trois quarts des importations des Pays-Bas proviennent du Kenya (22 %), de l’Éthiopie (12 %), d’Équateur (10 %), de Colombie (5 %) ou du Costa Rica (4 %).

Et si notre réflexe premier après les avoir reçues, c’est de les sentir : mieux vaut être vigilant, car elles sont chargées de produits toxiques.

Quelle quantité de pesticides cette fleur a-t-elle reçue ? D’où vient-elle ? Difficile pour le consommateur, voire quasi impossible, de répondre à ces questions. « Ce n’est pas alimentaire, donc il n’y a pas de règle,  les fleurs ne sont soumises à aucune obligation de traçabilité. »

 En 1985, la France comptait 8 000 horticulteurs, ils ne sont plus que 400 aujourd’hui et nous en perdons encore, perdant un savoir faire jusqu’alors reconnu, ainsi face à cette réalité de petites entreprises en France, à l’image de ce qui tend à s’implanter en Allemagne, en Autriche voire même aux USA (slow flowers ) se lancent vers des fleurs locales cultivées de la manière la plus naturelle possible ; ces petites exploitations souvent relèvent de structures d’insertions favorisant des personnels éloignés de l’emploi : encourageons les !

Un nouvel avenir pour la montagne ? ou de nouvelles perspectives ?

Alors que nous sommes toujours en période de vacances d’hiver, synonymes pour certains   de vacances  à la neige; et bien ne faut-il pas d’ores et déjà changé ce modèle, (qui pendant des années a fait la fortune de la montagne, ) faute d’avoir anticipé ce changement climatique chaque année plus significatif?

D’autant  quand les études montrent que, de toute façon, le nombre de jours de neige pourrait diminuer de plus de moitié dans les Alpes françaises à 1 500 mètres d’altitude d’ici à la fin du siècle, alors qu’à  500 m d’altitude, les jours d’enneigement pourraient dans ce cas être  divisés par quatre. D’après cette étude publiée dans la revue The Cryosphere et signée notamment par des chercheurs de Météo-France (Direction de la climatologie et des services climatiques et Centre national de recherches météorologiques (Météo-France/CNRS)), l’ensemble des Alpes a perdu, en basse et moyenne altitude, près d’un mois d’enneigement depuis un demi-siècle.

Samuel Morin, ancien directeur du Centre d’étude de la neige et directeur actuel du Centre national de recherches météorologiques (Météo-France/CNRS) et cosignataire de l’article, conclut en affirmant que quoi qu’on fasse à court terme en termes de gaz à effet de serre, on assistera à une réduction de l’enneigement à basse et moyenne altitude qui sera comprise entre 10 et 40 % d’ici à 2050 dans les Alpes.

En 2021, près de 190 stations de ski déjà avaient définitivement fermé boutique en France et malgré un regain d »intérêt cet hiver , le manque enneigement risque de compromettre de nouvelles stations de faibles altitudes. La neige devenant moins abondante, et sur des durées plus courtes,  des reconversions d’activités s’imposent; d’ailleurs beaucoup y pensent.

Autre problématique majeure de ce manque d’enneigement qui n’est pas sans conséquences pour les années futures: « La perte de neige entraînera un décalage temporel de la disponibilité de l’eau, avec des débits plus élevés en hiver et moins en été. Cette situation est particulièrement difficile dans les régions qui se disputent déjà l’utilisation de l’eau » comme le rapporte Hydrology and Earth System Sciences

Un livre de Jeanne Guien sur les produits menstruels, accablant

Tampons et serviettes jetables se sont imposés à la fin du XIXe siècle. Elle se penche ici sur trois emblèmes de notre « culture menstruelle » : les serviettes jetables, les tampons, et les applications de suivi des règles. Trois produits dont l’usage, écrit Jeanne Guien, « implique de vivre dans une société consumériste : un monde où avoir, utiliser, partager quelque chose, c’est d’abord acheter quelque chose ». D’autant que les industriels majoritaires de ces produits que sont  Procter & Gamble, et Tampax ont réussi à imposer leur empire jetable,  dont le chiffre d’affaires mondial s’élève chaque année à plusieurs dizaines de milliards de dollars .

Jeanne Guien défend l’hypothèse selon laquelle ces produits auraient également été un outil de domestication des corps, renforçant les normes de genre. La course à l’innovation défendue par les industriels du secteur repose en effet, écrit-elle, « sur l’idée fondamentale que les produits menstruels doivent servir à dissimuler les règles et le statut de personne menstruée, qui ne correspondent pas aux standards de la “féminité” ».

Par ailleurs le secteur ne fait l’objet d’aucune régulation, et la liste des ingrédients de l’immense majorité des tampons reste inconnue. L’emploi de produits chimiques pour blanchir le coton est toujours d’usage, en dépit des conséquences sanitaires et environnementales dénoncées depuis des années par les associations consuméristes.

Une histoire des produits menstruels, de Jeanne Guien, aux éditions Divergences, sortie le 10 février 2023. 240 pages, 18 euros.

Hommage à un grand scientifique : André Picot

Le toxicochimiste André Picot est décédé le 18 janvier dernier. Durant soixante ans, il a dénoncé les effets des produits chimiques sur la santé: et nous avions la chance de l’avoir comme intervenant dans notre formation IFSEN. Il fut aussi l’un des fondateurs de l’Association de toxicologie et chimie.

 

Chimiste de formation, André Picot a choisi de pratiquer la science en interdisciplinarité, à la frontière entre la toxicologie et la chimie. Après avoir travaillé sans succès au sein de l’industrie pharmaceutique, il a rejoint les bancs de la recherche académique sur les risques chimiques. Chimiste-biologiste directeur de recherches au Centre national de recherche scientifique (CNRS), il s’est spécialisé dans les mécanismes impliqués dans les oxydations chimiques et biologiques ainsi que dans la toxicologie moléculaire. Il a créé l’unité de prévention du risque chimique du CNRS, et ainsi acquis une « immense connaissance des risques industriels qui ne cessent d’accroître », comme le précise Annie Thébaut – Mony sociologue spécialiste des maladies professionnelles.

Au début des années 1990, il s’était  engagé sur la toxicité de la dioxine . À l’Académie des sciences, André Picot dénonçait les méfaits de la dioxine, un polluant persistant cancérigène émis lors de la combustion de déchets et qui s’accumule dans les aliments. Son avis lui valut des démêlés avec ses pairs qui n’apprécièrent guère ses positions. En 1994, il refusa même de signer le rapport de l’Académie des sciences sur la dioxine.  Au même moment, pourtant, l’Environmental Protection Agency des États-Unis publiait un rapport détaillé sur les risques associés à ce polluant.

André Picot s’était attaqué aussi aux gaz de schiste. Dans un rapport publié en 2011, il expliquait que ces techniques d’extraction provoquent la libération de gaz, comme le formaldéhyde ou le benzène, hautement toxique et dangereux pour la santé des travailleurs et des riverains.

Sa rencontre avec le chimiste et toxicologue Henri Pézerat « dans les préfabriqués (sans doute amiantés) » de l’université de Jussieu marque un tournant majeur dans la vie du scientifique.

Le magazine Reporterre rappelle d’ailleurs qu’il avait  contribué à  la reconnaissance de la culpabilité de Monsanto dans les problèmes de santé de l’agriculteur Paul François. Là aussi, la toxicologie lui permettait d’expliquer comment les émanations toxiques du désherbant le Lasso ont pu à distance provoquer les comas dont l’agriculteur a été victime. Avec une victoire judiciaire à la clé.

 C’est dire que la disparition de ce grand scientifique peut nous atteindre face à une science souvent controversée par les pouvoirs économiques.

Un lanceur d’alerte agressé : une enquête est ouverte

On apprend l’agression de Paul François, l’agriculteur qui a fait condamner Monsanto, le parquet ouvre une enquête pour « violences en réunion ».

Il avait fait condamner Monsanto après avoir été intoxiqué par un herbicide. L’agriculteur est connu pour son combat judiciaire qui avait mené à la condamnation, en 2019, du groupe agrochimique Monsanto, racheté par l’allemand Bayer. Paul François avait été hospitalisé après avoir été intoxiqué par l’herbicide Lasso. Monsanto a été reconnue responsable d’avoir commercialisé des « produits défectueux ».

L’agriculteur charentais Paul François a été violemment agressé chez lui le 30 janvier, et le parquet d’Angoulême a ouvert, vendredi 10 février, une enquête. Trois circonstances aggravantes ont été retenues par le parquet : « violences en réunion », « arrestation et séquestration », et « administration de substances ». Les gendarmes, qui se sont rendus sur place, travaillent pour identifier des suspects potentiels. Sa protection, comme celle de tous les lanceurs d’alerte qui s’attaquent à des lobbys puissants, doit être renforcée.

Son avocat affirme envisager « sérieusement de porter plainte, mais l’urgence était qu’il sorte de cet épisode traumatisant ». « Nous demandons que l’enquête soit menée le plus rapidement possible, pour retrouver les coupables dans les meilleurs délais ».