Tous les articles par Jacqueline Collard

Un livre de Jeanne Guien sur les produits menstruels, accablant

Tampons et serviettes jetables se sont imposés à la fin du XIXe siècle. Elle se penche ici sur trois emblèmes de notre « culture menstruelle » : les serviettes jetables, les tampons, et les applications de suivi des règles. Trois produits dont l’usage, écrit Jeanne Guien, « implique de vivre dans une société consumériste : un monde où avoir, utiliser, partager quelque chose, c’est d’abord acheter quelque chose ». D’autant que les industriels majoritaires de ces produits que sont  Procter & Gamble, et Tampax ont réussi à imposer leur empire jetable,  dont le chiffre d’affaires mondial s’élève chaque année à plusieurs dizaines de milliards de dollars .

Jeanne Guien défend l’hypothèse selon laquelle ces produits auraient également été un outil de domestication des corps, renforçant les normes de genre. La course à l’innovation défendue par les industriels du secteur repose en effet, écrit-elle, « sur l’idée fondamentale que les produits menstruels doivent servir à dissimuler les règles et le statut de personne menstruée, qui ne correspondent pas aux standards de la “féminité” ».

Par ailleurs le secteur ne fait l’objet d’aucune régulation, et la liste des ingrédients de l’immense majorité des tampons reste inconnue. L’emploi de produits chimiques pour blanchir le coton est toujours d’usage, en dépit des conséquences sanitaires et environnementales dénoncées depuis des années par les associations consuméristes.

Une histoire des produits menstruels, de Jeanne Guien, aux éditions Divergences, sortie le 10 février 2023. 240 pages, 18 euros.

Hommage à un grand scientifique : André Picot

Le toxicochimiste André Picot est décédé le 18 janvier dernier. Durant soixante ans, il a dénoncé les effets des produits chimiques sur la santé: et nous avions la chance de l’avoir comme intervenant dans notre formation IFSEN. Il fut aussi l’un des fondateurs de l’Association de toxicologie et chimie.

 

Chimiste de formation, André Picot a choisi de pratiquer la science en interdisciplinarité, à la frontière entre la toxicologie et la chimie. Après avoir travaillé sans succès au sein de l’industrie pharmaceutique, il a rejoint les bancs de la recherche académique sur les risques chimiques. Chimiste-biologiste directeur de recherches au Centre national de recherche scientifique (CNRS), il s’est spécialisé dans les mécanismes impliqués dans les oxydations chimiques et biologiques ainsi que dans la toxicologie moléculaire. Il a créé l’unité de prévention du risque chimique du CNRS, et ainsi acquis une « immense connaissance des risques industriels qui ne cessent d’accroître », comme le précise Annie Thébaut – Mony sociologue spécialiste des maladies professionnelles.

Au début des années 1990, il s’était  engagé sur la toxicité de la dioxine . À l’Académie des sciences, André Picot dénonçait les méfaits de la dioxine, un polluant persistant cancérigène émis lors de la combustion de déchets et qui s’accumule dans les aliments. Son avis lui valut des démêlés avec ses pairs qui n’apprécièrent guère ses positions. En 1994, il refusa même de signer le rapport de l’Académie des sciences sur la dioxine.  Au même moment, pourtant, l’Environmental Protection Agency des États-Unis publiait un rapport détaillé sur les risques associés à ce polluant.

André Picot s’était attaqué aussi aux gaz de schiste. Dans un rapport publié en 2011, il expliquait que ces techniques d’extraction provoquent la libération de gaz, comme le formaldéhyde ou le benzène, hautement toxique et dangereux pour la santé des travailleurs et des riverains.

Sa rencontre avec le chimiste et toxicologue Henri Pézerat « dans les préfabriqués (sans doute amiantés) » de l’université de Jussieu marque un tournant majeur dans la vie du scientifique.

Le magazine Reporterre rappelle d’ailleurs qu’il avait  contribué à  la reconnaissance de la culpabilité de Monsanto dans les problèmes de santé de l’agriculteur Paul François. Là aussi, la toxicologie lui permettait d’expliquer comment les émanations toxiques du désherbant le Lasso ont pu à distance provoquer les comas dont l’agriculteur a été victime. Avec une victoire judiciaire à la clé.

 C’est dire que la disparition de ce grand scientifique peut nous atteindre face à une science souvent controversée par les pouvoirs économiques.

Un lanceur d’alerte agressé : une enquête est ouverte

On apprend l’agression de Paul François, l’agriculteur qui a fait condamner Monsanto, le parquet ouvre une enquête pour « violences en réunion ».

Il avait fait condamner Monsanto après avoir été intoxiqué par un herbicide. L’agriculteur est connu pour son combat judiciaire qui avait mené à la condamnation, en 2019, du groupe agrochimique Monsanto, racheté par l’allemand Bayer. Paul François avait été hospitalisé après avoir été intoxiqué par l’herbicide Lasso. Monsanto a été reconnue responsable d’avoir commercialisé des « produits défectueux ».

L’agriculteur charentais Paul François a été violemment agressé chez lui le 30 janvier, et le parquet d’Angoulême a ouvert, vendredi 10 février, une enquête. Trois circonstances aggravantes ont été retenues par le parquet : « violences en réunion », « arrestation et séquestration », et « administration de substances ». Les gendarmes, qui se sont rendus sur place, travaillent pour identifier des suspects potentiels. Sa protection, comme celle de tous les lanceurs d’alerte qui s’attaquent à des lobbys puissants, doit être renforcée.

Son avocat affirme envisager « sérieusement de porter plainte, mais l’urgence était qu’il sorte de cet épisode traumatisant ». « Nous demandons que l’enquête soit menée le plus rapidement possible, pour retrouver les coupables dans les meilleurs délais ».

Le climat, enjeu prioritaire de santé publique

Le changement climatique devient l’un des axes prioritaires de la programmation de Santé publique France dont la mission est de mieux en comprendre les impacts sanitaires et de les réduire.

Les effets du changement climatique se  traduisent par un accroissement des événements climatiques extrêmes qui ont eux-mêmes des effets sur notre santé. Les données disponibles suggèrent en effet que les dérèglements climatiques génèrent de plus grands risques sanitaires. Santé publique France a ainsi pu montrer l’impact des températures de plus en plus élevées sur la mortalité . L’exposition à des températures extrêmes se traduit également par une mortalité accrue des populations les plus fragiles et les plus défavorisées socialement.

Pour protéger la santé des générations actuelles et futures, il est donc nécessaire de s’adapter à ces  nouveaux climats, tout en réduisant les émissions de gaz à effet de serre, et en préservant la biodiversité. Santé publique France a mené une réflexion sur la création d’indicateurs de danger, d’exposition, de vulnérabilité, d’impact et d’intervention utiles aux professionnels de l’environnement, de l’urbanisme et aux professionnels de santé publique pour les amener à collaborer et, à terme, à contribuer à l’intégration de la santé dans toutes les politiques.

En savoir plus :

De la poudre d’insectes dans l’alimentation courante ?

La Commission européenne vient d’autoriser en janvier 2023 la mise sur le marché de poudre de grillons domestiques dans l’alimentation et ce n’est pas une idée récente : en effet actuellement, quatre insectes sont autorisés à la consommation : ces insectes comestibles contiennent des protéines de haute qualité, des vitamines et des acides aminés pour les humains.

lesquels :

Le ver de farine jaune (larve du coléoptère Tenebrio molitor) séché en mai 2021 (autorisation accordée exclusivement à la société française Agronutris pour une durée de 5 ans), puis congelé ou en poudre en février 2022 ;

Le criquet migrateur (Locusta migratoria), entier ou sans ailes ni pattes, congelé, séché ou en poudre, en novembre 2021 (autorisation accordée à la société néerlandaise Fair Insects/Protix) ;

Le grillon domestique (Acheta domesticus) surgelé, séché ou en poudre, en février 2022 (également au bénéfice de la société Fair Insects/Protix) ;

La poudre de grillon domestique (Acheta domesticus) partiellement dégraissée depuis le 24 janvier 2023 (autorisation accordée à la société vietnamienne Cricket One) ;

Pourquoi vouloir incorporer de la poudre d’insectes dans le pain, les biscuits,  farine, dans les biscuits sucrés ou salés ou les pâtes, ou les sauces, les pizzas ou encore les préparations de viande, est‑ce que cela répond à une nécessité impérieuse ou est ce une nouvelle opération industrielle. Parmi les pistes pour diminuer la part de produits carnés dans notre alimentation, largement médiatisée dans le contexte climatique et environnemental, les insectes figurent en bonne place : riches en protéines et peu coûteux à produire, ils ont de solides atouts.

L’UE souhaite réduire l’empreinte écologique de l’agriculture et pense que les insectes peuvent y contribuer. Le règlement européen qui autorise  la commercialisation de deux nouveaux insectes à des fins alimentaires en Europe a été validée le 24 janvier 2023 par l’Union Européenne. Elle concerne l’incorporation de farine d’insectes broyés dans la nourriture. Les insectes pourront être présents  en quantité négligeable. Les utilisations sont cependant très nombreuses et déjà en cours. Des doses maximales pour l’utilisation de ce nouvel ingrédient ont été également fixées par Bruxelles. Il ne pourra pas y avoir, par exemple, plus de 3 grammes de poudre de grillons pour 100 grammes dans les barres de céréales et maximum 1,5 gramme dans les biscuits.

Quelle que soient les bonnes raisons de ces choix, nous devons exiger un étiquetage systématique de cette incorporation : affaire à suivre qui pour l’instant n’est pas obligatoire.

https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/uri=CELEX:32023R0005&from=FR