Le toxicochimiste André Picot est décédé le 18 janvier dernier. Durant soixante ans, il a dénoncé les effets des produits chimiques sur la santé: et nous avions la chance de l’avoir comme intervenant dans notre formation IFSEN. Il fut aussi l’un des fondateurs de l’Association de toxicologie et chimie.
Chimiste de formation, André Picot a choisi de pratiquer la science en interdisciplinarité, à la frontière entre la toxicologie et la chimie. Après avoir travaillé sans succès au sein de l’industrie pharmaceutique, il a rejoint les bancs de la recherche académique sur les risques chimiques. Chimiste-biologiste directeur de recherches au Centre national de recherche scientifique (CNRS), il s’est spécialisé dans les mécanismes impliqués dans les oxydations chimiques et biologiques ainsi que dans la toxicologie moléculaire. Il a créé l’unité de prévention du risque chimique du CNRS, et ainsi acquis une « immense connaissance des risques industriels qui ne cessent d’accroître”, comme le précise Annie Thébaut – Mony sociologue spécialiste des maladies professionnelles.
Au début des années 1990, il s’était engagé sur la toxicité de la dioxine . À l’Académie des sciences, André Picot dénonçait les méfaits de la dioxine, un polluant persistant cancérigène émis lors de la combustion de déchets et qui s’accumule dans les aliments. Son avis lui valut des démêlés avec ses pairs qui n’apprécièrent guère ses positions. En 1994, il refusa même de signer le rapport de l’Académie des sciences sur la dioxine. Au même moment, pourtant, l’Environmental Protection Agency des États-Unis publiait un rapport détaillé sur les risques associés à ce polluant.
André Picot s’était attaqué aussi aux gaz de schiste. Dans un rapport publié en 2011, il expliquait que ces techniques d’extraction provoquent la libération de gaz, comme le formaldéhyde ou le benzène, hautement toxique et dangereux pour la santé des travailleurs et des riverains.
Sa rencontre avec le chimiste et toxicologue Henri Pézerat « dans les préfabriqués (sans doute amiantés) » de l’université de Jussieu marque un tournant majeur dans la vie du scientifique.
Le magazine Reporterre rappelle d’ailleurs qu’il avait contribué à la reconnaissance de la culpabilité de Monsanto dans les problèmes de santé de l’agriculteur Paul François. Là aussi, la toxicologie lui permettait d’expliquer comment les émanations toxiques du désherbant le Lasso ont pu à distance provoquer les comas dont l’agriculteur a été victime. Avec une victoire judiciaire à la clé.
C’est dire que la disparition de ce grand scientifique peut nous atteindre face à une science souvent controversée par les pouvoirs économiques.