Alors que le secteur subit une crise socio-économique profonde : revenus faibles et irréguliers, diminution du nombre d’exploitations, spécialisation excessive qui a rompu le lien entre cultures et élevage, et un enjeu majeur de transmission alors que la moitié des 390 000 exploitations seront à reprendre dans la décennie, ce congrès a fait l’objet d’une présentation animée par le Shift Project pour repenser ce secteur en crise.
Après avoir consulté plus de 150 organisations et près de 300 experts, et recueilli plus de 7700 réponses d’agriculteurs via une grande consultation, cette présentation du projet collaboratif de 18 mois a pour but de dessiner les contours d’une agriculture « bas carbone, résiliente et prospère » avec un constat clair : une transformation ambitieuse incontournable. The Shift Project propose son analyse de la situation, identifie des leviers de transformation, et trace des voies possibles pour concilier réduction de l’empreinte environnementale, résilience des systèmes agricoles et viabilité économique des exploitations.
Face aux défis climatiques, énergétiques et environnementaux, le secteur agricole français est sommé de se réinventer, sachant que l’agriculture qui produit 18 % des émissions nationales de gaz à effet de serre (GES) doit non seulement réduire son empreinte carbone de 46 % d’ici 2050, mais aussi s’adapter à sa propre vulnérabilité face aux changements climatiques. La transformation passe par une réduction de 70 % des engrais azotés minéraux, compensée par un triplement des surfaces en légumineuses et une meilleure gestion des matières organiques.
Laure Le Quéré, ingénieure experte en agriculture, explique : “La stratégie nationale bas carbone a fixé des objectifs de décarbonation pour l’agriculture française. On doit atteindre 48 millions de tonnes à l’horizon 2050. Cela peut paraître ambitieux, mais les objectifs sont adaptés aux spécificités du secteur agricole : c’est un secteur qui est nourricier et qui a aussi des émissions qui sont incompressibles. Elles sont aussi beaucoup plus complexes potentiellement à réduire que celles d’autres secteurs économiques puisque majoritairement non énergétiques. On parle surtout du méthane et du protoxyde d’azote. Il y a encore du chemin à faire et la question est comment y arriver au mieux et avec le moins de casse possible et notamment quand on parle de l’élevage”. La transformation implique une évolution des systèmes d’élevage, avec une diminution mesurée des cheptels, notamment de ruminants (-27%), pour réduire les émissions de méthane tout en préservant les prairies, essentielles au stockage du carbone.
Corentin Biardeau-Noyers, ingénieur projet agriculture alimentation, ajoute : “Pour l’agriculture, l’objectif correspond à une diminution d’à peu près 46% à horizon 2050. Pour les autres secteurs, la diminution est beaucoup plus importante. Si on prend les transports, je crois que c’est de l’ordre de 95 % de réduction d’émissions de gaz à effet de serre. Donc les spécificités agricoles sont vraiment prises en compte dans les objectifs”.
Il manque cependant dans ce projet les enjeux de l’eau, de la biodiversité qui n’ont pas pu être traités dans le rapport, pour définir une agriculture et des pratiques qui permettent une meilleure adaptation.
L’agriculture française est prise dans un étau de dépendances multiples : aux énergies fossiles pour les machines et les engrais, aux importations pour l’alimentation animale (soja du Brésil) ou la fertilisation (engrais de Russie), et aux produits phytosanitaires aux effets néfastes. Ces difficultés, exacerbées par des politiques publiques aux injonctions parfois contradictoires, compromettent gravement le bien-être des agriculteurs et leur capacité à investir dans la transition.
Selon les experts, la réussite de cette transition repose sur un prérequis fondamental : garantir la sécurité économique des agriculteurs, qui sont plus de 90 % à se dire prêts à s’engager dans l’agroécologie si les freins financiers sont levés. et faciliter et intensifier la formation des professionnels sur la transition agroécologique, l’atténuation et l’adaptation au changement climatique, et la résilience du secteur avec un volet agricole bénéficiant d’un portage politique fort et de moyens à la hauteur de l’ambition.
https://theshiftproject.org/publications/agriculture-bas-carbone-resiliente-prospere/
objectifs de la SNBC (stratégie nationale bas carbone)