Tous les articles par Jacqueline Collard

Des produits nanométriques trop souvent dans l’alimentation

Pour donner de la saveur et de la texture à leurs plats préparés, les fabricants ont l’embarras du choix : exhausteurs de goûts, édulcorants, épaississants… ou encore nanoparticules. Si le nombre de ces additifs alimentaires ne cesse d’augmenter, le consommateur reste mal averti de leur présence, peu ou pas indiquée sur les étiquettes. Philippe Chavanne, auteur du livre Additifs alimentaires, mieux les connaître pour éviter leur toxicité, s’est penché sur la question.

 Dernièrement le E171 (Dioxyde de titane sous forme nanométrique) a été montré du doigt et même retenu par le gouvernement pour être suspendu dans son usage alimentaire très rapidement. En réalité, les additifs nanoparticules – dont la nocivité réelle n’a jamais été testée préalablement à leur utilisation par l’industrie agroalimentaire – sont de plus en plus présents, dans un nombre toujours plus important de produits. Pire : ils le sont à l’insu des consommateurs, puisque la règlementation (européenne ou française) sur l’étiquetage est aujourd’hui n’est souvent pas appliquée.

Philippe Chavanne ajoute « Si les nanoparticules sont sans danger, pourquoi dissimuler leur présence aux consommateurs ? »

Il faut distinguer les additifs alimentaires « classiques » des additifs nanoparticules. Ces derniers sont plus pernicieux que les premiers, dont on connaît bien la toxicité et les dangers pour la santé. Les « nano » sont des particules de diamètre inférieur à 100 nanomètres (50 000 fois plus petit qu’un cheveu). Ils sont présentes dans un nombre croissant de produits industriels (bonbons, biscuits, gâteaux…) sans que la preuve de leur innocuité ait été faite. Au contraire, des recherches indépendantes, objectives et fiables, bien qu’encore parcellaires, ont tendance à démontrer leur nocivité .

D’autre part, bien qu’a priori la législation impose aux fabricants d’informer sur la présence de nanoparticules dans leurs produits, elle est aussi tellement laxiste et conçue sur mesure pour l’industrie qu’elle bafoue la légitime information et la protection des consommateurs. En effet, la mention ne doit apparaître que lorsque la teneur en nanoparticules est supérieure à 10 % – les industriels jouent donc avec la limite légale pour ne pas révéler la présence de nanoparticules aux consommateurs. Mais si ces nanoparticules sont sans danger, pourquoi les dissimuler ? Mentir par omission ? Les instances européennes et nationales font preuve ici, d’une complaisance pour le moins suspecte, difficilement acceptable pour les consommateurs.

Le respect et la santé des consommateurs ne pèsent pas lourds face aux objectifs de rentabilité des grands groupes industriels. Nous devons donc rester vigilants.

La désertification avance, la pression sur les terres s’accroît

Fin juin, le centre européen de recherches (JRC joint research Center), organisme scientifique attaché à la Commission Européenne, actualisait son Atlas mondial de la désertification dont la précédente édition datait de dix ans. Le bilan n’est pas brillant : « durant les vingt dernières années, la pression sur les terres et les sols s’est accrue de manière dramatique, » résume Tibor Navracsics, commissaire européen responsable du JRC.

Depuis une cinquantaine d’années, les changements dans les habitudes alimentaires en faveur de davantage de produits d’origine animale et l’accroissement de la population ont amené une exploitation de plus en plus importante des ressources de la planète, et même une surexploitation néfaste.

La transformation des terres en déserts n’est que la partie émergée d’un iceberg encore plus inquiétant : la dégradation des sols. Les terres cultivables perdent leurs qualités nutritives, deviennent moins favorables à la pousse des végétaux, la terre perd sa structure…  Selon l’atlas du JRC, les trois quarts des terres de la planète seraient aujourd’hui dégradées, et 90% pourraient le devenir d’ici 2050. « Globalement, une surface équivalente à la moitié de celle de l’Union Européenne (4,18 millions de km2) est dégradée annuellement, l’Afrique et l’Asie étant les plus affectées, » précise ce document.

L’humanité est bien entendu responsable : « la croissance de la population et les changements dans nos schémas de consommation exercent une pression sans précédent sur les ressources naturelles de la planète, » préviennent les experts. Les pratiques agricoles, la déforestation, et plus globalement l’épuisement de la planète par des activités non soutenables sont à la racine du problème.

Les conséquences de cette dégradation des sols ne sont pas qu’écologiques : leur coût économique est estimé à des dizaines de milliards d’euros par an. De plus, l’effet combiné de cet épuisement des sols et du changement climatique pourrait réduire les récoltes de 10% d’ici 2050. L’Inde, la Chine et l’Afrique subsaharienne seraient les plus touchées, et la production agricole pourrait y diminuer de moitié.

https://wad.jrc.ec.europa.eu/

https://ec.europa.eu/jrc/en/search/site

L’ECHA lance un site pour informer les citoyens !

L’ECHA lance un nouveau site « Les produits chimiques dans notre vie »

L’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) crée en 2007 a pour objectif de  sécuriser l’usage des produits chimiques. Elle veille à l’application de la législation innovante de l’UE sur ces substances, qui profite à la santé humaine, à l’environnement, à l’innovation et à la compétitivité en Europe.

Pallier le déficit d’information du grand public sur les produits chimiques : l’ intention est louable, mais cela signifierait-il que jusqu’alors il était quasiment impossible de savoir malgré publicités et étiquetage ??

C’est ce que tente l’ECHA (Agence européenne des produits chimiques), avec son nouveau site « Les produits chimiques dans notre vie », traduit dans toutes les langues de l’UE. Le titre est explicite : il s’agit bien de montrer que les produits chimiques font partie de notre vie, et nous sont indispensables, et que cela ne saurait changer. Certes, la chimie fait partie intégrante de la vie. Mais l’ECHA se lance ici dans une opération de communication pour rassurer le grand public sur la situation en matière de pollutions chimiques dans l’UE.

L’information du public : une mission pour l’instant secondaire de l’ECHA 
Depuis sa création, l’ECHA s’est concentrée sur l’évaluation des substances chimiques, l’appui au secteur industriel et les restrictions de produits dangereux mis sur le marché. L’information du public est pourtant l’une de ses missions : jusqu’à aujourd’hui, ses outils étaient encore limités. De nombreuses sources d’information, notamment des scientifiques, des médecins, mais aussi des ONG, alertent depuis longtemps sur l’impact néfaste pour la santé de certaines substances chimiques auxquelles nous sommes exposés au quotidien.

Le contenu du site 
L’ECHA propose un site avec plusieurs rubriques, portant sur l’actualité, les produits de consommation contenant des produits chimiques, la santé, l’environnement, le travail. Une rubrique « conseils et astuces » revient sur des droits tels que le droit d’information du consommateur en vertu du règlement REACH. Les sujets qui font l’actualité ne sont pas ignorés : effet des mélanges de produits chimiques, glyphosate, sécurité des encres de tatouage sont bien mentionnés.

Une volonté de rassurer
Si l’ECHA se lance dans cette démarche, c’est que les pollutions chimiques inquiètent les citoyens européens, comme l’a montré un eurobaromètre récent. La solution est donc pour l’ECHA d’adopter une communication « non anxiogène » : elle se veut rassurante. Or, s’il n’est pas besoin d’inquiéter inutilement, nier ou minimiser la dangerosité ou les risques liés à un produit n’en a jamais réduit les effets néfastes.

 Nous resterons vigilants sur la communication et effets de langages utilisés dans cette stratégie nouvelle.

Découvrir le site en ligne : https://chemicalsinourlife.echa.eur…

 

L’agriculture biologique ferait plus obstacle aux attaques pathogènes

Selon une nouvelle étude publiée dans Nature Sustainability par des chercheurs de l’Inra et de l’université de Rennes 1 l’agriculture biologique serait moins souvent infestée, en particulier par les bactéries et les champignons.Les chercheurs ont procédé à une vaste analyse de la littérature scientifique sur ce sujet, en recensant 177 études qui comparent les performances respectives des systèmes agricoles biologiques et conventionnels, au regard, d’une part, de leur potentiel de régulation naturelle des agresseurs, d’autre part, des niveaux d’infestation constatés.

L’agriculture biologique favorise la régulation naturelle et la maîtrise des « bioagresseurs » – ravageurs, pathogènes et autres plantes adventices et cette étude  bat en brèche l’idée communément admise selon laquelle l’agriculture biologique, si elle est bénéfique pour la biodiversité, l’environnement et la santé, est en revanche moins bien armée pour  résister aux agressions naturelles.Ainsi le recours aux pesticides de synthèse pourrait être réduit sans dommages pour les cultures, selon une étude associant  toujours l’Institut national de la recherche agronomique.

Il apparaît que face aux attaques d’animaux ravageurs (insectes, nématodes (vers) et autres acariens), d’agents pathogènes – champignons ou bactéries – et de plantes adventices (les « mauvaises herbes »), le bio, exempt de pesticides de synthèse, est plus apte à  déployer des mécanismes naturels de défense. Le résultat dépend toutefois du type d’agresseur : vis-à-vis des plantes adventices, le bio se révèle moins efficace, alors que ses performances sont identiques face aux ravageurs et même supérieures pour les pathogènes.

L’adaptation au changement climatique demande de nouveaux engagements

Edwin Zaccai, professeur et spécialiste du climat de l’Université libre de Bruxelles, nous prévient : l’adaptation au changement climatique va demander de nouveaux apprentissages et collaborations. Il nous transmets le contenu de ces propositions.

L’actuel été des extrêmes dans l’hémisphère Nord a ramené à l’avant-plan, dans les pays européens, la question de l’adaptation au changement climatique. Loin de se stabiliser à court terme, le climat sera continuellement en évolution durant les prochaines décennies. Il pourrait révéler, même dans les pays fortement industrialisés et urbains, une plus grande dépendance des sociétés modernes à son égard qu’on le pense habituellement.

Une fraction de l’adaptation nécessaire à ces changements se produit de façon spontanée, sans apparaître dans des programmes d’action. Mais une large part demande de l’anticipation, de la coordination et de l’apprentissage. Les modalités sont très différentes de celles qui définissent les actions de réduction des émissions de gaz à effet de serre, elles-mêmes laborieusement et insuffisamment développées ces dernières décennies.
Dans le cas de l’adaptation, les incertitudes sont nombreuses. Elles portent sur les impacts climatiques locaux, les objectifs à rechercher et les méthodes à appliquer

Pour commencer, l’objet de la réduction des émissions et celui de l’adaptation sont foncièrement différents.

Dans le premier cas, il s’agit principalement de se concentrer sur les émissions de CO2, tandis que l’adaptation au changement climatique vise une gamme d’activités et d’impacts très diversifiée.

De plus, si des objectifs de réduction sont fixés et qu’il subsiste des incertitudes sur les façons de les atteindre, dans le cas de l’adaptation, les incertitudes sont plus nombreuses. Elles portent à la fois sur les impacts climatiques locaux, les objectifs à rechercher et les méthodes à appliquer. De ce fait, les indicateurs sont encore largement à inventer pour ce que l’on appellerait une adaptation réussie.
Les champs professionnels, et donc de formation, ne se recoupent pas nécessairement dans les deux approches. Pour la réduction des émissions, c’est le monde des ingénieurs, gestionnaires de procédés et de produits, qui est en première ligne. Pour l’adaptation, les acteurs sociaux, les gestionnaires publics locaux, ceux de la santé, de l’aménagement du territoire, sont essentiels.

On peut aussi mettre en évidence un rapport presque inverse à la question des inégalités. Dans le cas de la réduction des émissions, ce sont les plus nantis qui émettent le plus de gaz à effet de serre : à l’échelle de la planète, 10 % de la population serait responsable de 50 % des émissions. Les efforts de réduction devraient logiquement se focaliser davantage sur ces catégories de populations. Face aux impacts climatiques, ces mêmes catégories favorisées auront le plus d’outils en main pour se protéger, tandis qu’une véritable politique d’adaptation doit inclure les catégories les plus démunies, qui sont aussi les plus exposées.

Cette  analyse porte donc essentiellement sur les leviers en mettre en œuvre. L’adaptation émerge aujourd’hui comme une dimension incontournable de la réponse au changement climatique. Complémentaire à l’indispensable réduction des émissions de gaz à effet de serre, ses enjeux restent cependant largement méconnus. À quels risques les sociétés humaines et les écosystèmes vont-ils être confrontés ? Dans quelle mesure l’adaptation peut-elle y répondre ?

L’Adaptation au changement climatique, par Valentine van Gameren, Romain Weikmans et Edwin Zaccai