Un rapport pointe comment les plans Ecophyto n’ont pas atteint leurs objectifs

Un rapport qui fait suite à une commission parlementaire nous en dit plus sur les apports des plans Ecophyto en confirmant l’état des lieux alarmant de la dépendance de l’agriculture française aux pesticides. Le dernier round pour le renouvellement du glyphosate en a encore été le témoin.

La France a lancé officiellement sa politique de réduction de l’usage des pesticides en 2008, impulsée par le Grenelle de l’environnement et la directive européenne 2009/128 dite «utilisation durable du pesticides». Le 1er plan Ecophyto est alors né, avec son objectif central de réduction de l’usage des produits phytosanitaires de 50% dès 2028. Depuis, plusieurs plans ont été mis en œuvre… et ont échoué à atteindre ce fameux objectif.

Aucune baisse n’ayant été réellement amorcée en 2015, le plan est converti en plan Ecophyto 2, repoussant l’échéance à 2025. En 2018, c’est au tour du plan Ecophyto 2 + de prendre le relais, fixant cette fois l’horizon d’une baisse de moitié à 2030.

Revenons sur quelques points saillants tirés de ce rapport :

  • La consommation de produits phytosanitaires pour l’agriculture a augmenté de 14% par rapport à la période 2009-2011 (Nature France).
  • Le glyphosate, dont le plan de sortie avait intégré la stratégie Ecophyto en 2018, a été ré-autorisé au niveau européen pour 10 ans, et les quantités vendues ont progressé de 25% entre les périodes 2009-2011 et 2016-2018.
  • Les agriculteurs sont les premières victimes des pesticides, avec un risque accru de cancer de la prostate, de plusieurs cancers du sang, de la peau et des lèvres, et de tumeurs du système nerveux central.
  • Les riverains des parcelles traitées continuent à être exposés et subir les conséquences de ces pesticides.
  • Parallèlement quelques pesticides sont sortis du marché mais trop peu nombreux cependant.
  • Les solutions de biocontrôle, méthodes alternatives aux pesticides telles que le lâcher de prédateurs des ravageurs des cultures, l’utilisation de médiateurs chimiques (dont les phéromones) et l’épandage de substances naturelles qui se substituent aux pesticides de synthèse, se développent  : + 182% de ventes en 2021 par rapport à 2009.
  • Le réseau des fermes DEPHY, impulsé par le plan Ecophyto, démontre qu’une réduction forte des pesticides de synthèse est possible, mais leur efficience est longue à être opérationnelle

Et les recommandations ont du mal à s’implanter :

  • La réorientation massive des aides publiques, dont les aides de la Politique Agricole Commune, vers l’agriculture biologique et les pratiques agricoles favorables à l’environnement (l’Inspection Générale des Finances estime en 2022 que 6,5 milliards d’euros par an de subventions de la Politique Agricole Commune sont dommageables à la biodiversité), qui rejoint la recommandation n°19 du rapport de la  commission parlementaire.
  • L’accompagnement local des agriculteurs et agricultrices par des acteurs et instances au fait de l’agroécologie et sans intérêts économiques, ce qui rejoint les recommandations n°17 et 18 du rapport de la commission parlementaire.
  • Le soutien à la reconception des systèmes par un mécanisme de couverture des risques, qui rejoint la recommandation n°19 du rapport de la  commission parlementaire.
  • La sortie des pesticides de synthèse dans les zones prioritaires telles que les aires d’alimentation de captages, les sites Natura 2000 et les aires protégées, ce qui rejoint la recommandation n°26 du rapport de la commission parlementaire.
  • Compléter et affermir l’arsenal réglementaire visant à prévenir les pollutions diffuses dans les aires d’alimentation des captages pour l’eau potable, dont la préemption du foncier voire l’expropriation dans la situation où l’ensemble des autres dispositifs disponibles n’auraient pas produit les résultats attendus, comme le propose la recommandation n°26.

L’agroécologie, dont le cahier des charges de l’agriculture biologique est l’exemple le plus abouti, demeure le meilleur éventail de pratiques permettant de se passer largement des intrants de synthèse. 

Rapport Assemblée nationale n° 2000, Commission d’enquête parlementaire, Tome 1. 407 p. Publié le 14/12/2023

https://www.creseb.fr/rapport-echec-plans-ecophyto/

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