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70 ans après, le Japon paie encore le prix de Hiroshima et Nagasaki

Le 6 août 1945, à 8h15, un B-29 américain largue une bombe atomique au-dessus de la  ville d’Hiroshima. Plus de 80 % des habitants dans un rayon d’un kilomètre autour du point d’explosion de « Little Boy » sont tués sur le coup. Quelque 70.000 personnes meurent instantanément, un bilan qui atteindra 140.000 victimes dans les mois suivants. Trois jours plus tard, le 9 août, les Etats-Unis lancent une nouvelle attaque sur la ville de Nagasaki, à 400km d’Hiroshima, où une deuxième bombe tue 70.000 personnes.
Au-delà de l’horreur des chiffres, les conséquences humaines sont extrêmement lourdes. Une vie de souffrances physiques et psychologiques attend les 450.000 survivants, les « hibakusha » (« exposés à la bombe »), chez qui la force et la chaleur de l’explosion, ainsi que les radiations, provoquent d’innombrables symptômes : perte des cheveux, cicatrices chéloïdiennes,(excroissances de peau qui se développent sur les cicatrices) leucémie et cancers, notamment.

« Soixante-dix ans après la bombe, les risques de cancers continuent d’augmenter chez les hibakusha », explique Noboru Takamura, professeur à l’Institut des maladies de la bombe atomique, fondé en 1962 au sein de l’université de Nagasaki. « Les risques de leucémie ont disparu après environ dix ans, mais on observe ces dernières années des maladies de la moelle osseuse nommées MDS », pour syndromes myélodysplasiques. Le risque de cancers multiples a aussi fortement augmenté au cours des trente dernières années, notamment chez ceux qui se trouvaient à moins d’1,5 km du centre de l’explosion.

Créé à l’origine pour étudier les conséquences à long terme sur la santé des hibakusha de Nagasaki, l’Institut a également dépêché des équipes à Tchernobyl quelques années après la catastrophe nucléaire de 1986, quand l’Union soviétique a autorisé l’accès aux chercheurs étrangers. Les scientifiques ont notamment étudié les conséquences de l’exposition aux radiations, externe par les nuages radioactifs et l’environnement, mais aussi interne, par la consommation d’eau et de nourriture contaminées.

Annie Annie Thébaud-Mony, directrice de recherches honoraires à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) et spécialiste en santé publique nous transmets son appréciation sur le retour d’expérience de ces événements catastrophiques:

“Les effets biologiques des irradiations sont désormais connus pour être beaucoup plus diversifiés et complexes que ne le suggère le « modèle linéaire sans seuil » dont on parle généralement. Selon ce modèle adopté par la Commission internationale de protection radiologique (CIPR), il n’existe aucune dose en deçà de laquelle il n’y aurait pas d’effet.

 Pour d’autres, il n’y aurait aucune conséquence pathologique en dessous de 100 millisieverts (mSv). Or des études ont montré que les effets sont, certes, liés à l’exposition aux radiations, mais de façon dite non linéaire. Et il existe aujourd’hui suffisamment d’éléments de preuve — théoriques et empiriques — pour penser que la relation entre la dose de rayonnement et la réponse biologique est peu susceptible d’être linéaire pour les faibles doses. Selon ces études, la réponse biologique part de zéro (dose nulle) et augmente ensuite fortement pour s’aplanir à des doses plus élevées. Ainsi, selon moi, l’hypothèse linéaire est non seulement non valide, mais elle contribue à obscurcir la lecture de l’évaluation du risque associé aux faibles doses car elle ne rend pas compte des effets pathogènes radio-induits chez les êtres humains.

Elle poursuit: “on devrait considérer non seulement les radionucléides projetés dans l’atmosphère au moment de l’accident — puis au cours des premiers jours et semaines qui suivent — mais aussi ceux libérés à faibles doses de façon continue par la suite et que l’on retrouve dans la contamination radioactive de l’air, de l’eau et du sol.

Ainsi, depuis 1987, les principaux radionucléides issus de la catastrophe de Tchernobyl sont constitués par le césium-137 et le strontium-90. Or, alors que la part de Cs-137 dans les premiers jours après l’explosion de la centrale ne dépassait pas 4% de l’irradiation externe totale, elle a constitué vingt ans après la catastrophe 95% de la dose totale d’irradiation humaine. Or, 40% des territoires de l’Europe ont été exposés au Cs-137 de Tchernobyl dont la contamination ne durera pas moins de 300 ans pour ce radio-élément !