Le rapport de l’ANSES sur l’hypersensibilité électromagnétique est paru

Les radiofréquences constituent un objet de préoccupations sanitaires, environnementales et sociétales important depuis plusieurs années, en France comme à l’étranger. Malgré les mesures mises en place pour encadrer et surveiller les niveaux d’exposition aux champs électromagnétiques depuis des années, la littérature scientifique rapporte depuis plusieurs décennies et de façon continue des cas de personnes souffrant de troubles divers attribués à des expositions aux champs émis par les appareils électroménagers, les installations électriques et les dispositifs communicants.

Dans ce contexte, l’Agence a publié des avis et rapports d’expertise collective notamment en 2003, 2005, 2009, 2013 et, le plus récent, en 2016, relatifs aux risques potentiels pour la santé de l’exposition aux radiofréquences. Elle a également souhaité accorder à la question de l’hypersensibilité électromagnétique (EHS) toute l’attention qu’elle mérite, en lui consacrant une expertise spécifique et approfondie.

Pourtant dés 2008 le Pr Belpomme Dominique Belpomme, cancérologue (hôpital Georges-Pompidou, Paris) qui avait fondé  lAssociation pour la recherche thérapeutique anticancéreuse (Artac). avait investigé sur cet état pathologique;  sa consultation fut rapidement envahie par des dizaines de ” malades “. Vite débordé, il décide de former un groupe de travail au sein de l’Artac, et contacte ainsi d’autres scientifiques internationaux préoccupés comme lui de ces diagnostics particuliers et multiples.

En quelques mois, ils analysent près d’une centaine de dossiers. Et finissent par décrire ” une nouvelle maladie “, le syndrome d’intolérance aux champs électromagnétiques (sicem), ” une affection neuropsychologique ” qui s’installerait en deux phases, estime le cancérologue. Une période inaugurale de stress cellulaire s’exprime selon une triade : des maux de tête, des troubles de la sensibilité se manifestant par des fourmillements, enfin des troubles de l’attention et de la concentration. Cette période, d’une durée variant de quelques mois à un ou deux ans, serait ensuite suivie par la phase d’état marquée, elle, par une insomnie, de la fatigue et une dépression. ” Un peu comme dans la fibromyalgie, détaille le Dr Belpomme, mais sans douleur à la palpation des tendons et des muscles. Ce qui est nouveau, ce sont les critères objectifs, radiologiques et biologiques que nous avons identifiés. 

L’ELECTROSENSIBILITE:  Maux de tête, troubles du sommeil, nausées, irritabilité, fourmillements dans les doigts ou encore problèmes cutanés :l’ANSES répertorie des dizaines de symptômes, plus ou moins courants, que les électrosensibles attribuent à leur exposition aux radiofréquences des téléphones portables, antennes relais et autre wifi. La prévalence de l’EHS (acronyme pour électro-hypersensibilité) est “très difficile” à évaluer, d’après l’Anses, évoquant des données jugées “pas fiables” qui situent la prévalence entre 0,7 et 13,3% de la population et d’autres plus récentes qui l’évaluerait à environ 5%.  

Les électrosensibles, qui attribuent leurs symptômes variables à l’exposition aux ondes émises par les technologies modernes, souffrent réellement et doivent être pris en charge, d’après un rapport de l’Anses, précisant cependant que les causes de ce  trouble restent inconnues.

“Alors, comment sortir de l’impasse ? ” En intensifiant les recherches “, insiste Olle Johansson, scientifique suédois de l’institut Karolinska, engagé de très longue date dans le combat anti-ondes. Dans le nord de l’Europe, c’est en 1987 que ceux que l’on nomme les ” électrohypersensibles ”  (EHS) se sont regroupés. Ils ont tiré le signal d’alarme dès 1994 et seraient aujourd’hui près de 290.000. Là-bas, la conception du handicap est avant tout environnementale.Résultat : ” depuis dix ans, l’électrohypersensibilité y est reconnue en tant qu’infirmité physique. Mais attention, il ne s’agit pas d’une maladie mais d’un handicap “, insiste le Pr Olle Johansson. Conséquence : tout a été mis en place pour que les électrosensibles aient, comme les autres, accès à une vie la plus ” normale ” possible.

La souffrance exprimée par les personnes qui se déclarent électrosensibles “correspond à une réalité vécue” justifiant une prise en charge adaptée, même si rien ne prouve aujourd’hui la causalité entre ce syndrome controversé et l’exposition aux ondes électromagnétiques, estime un rapport de l’agence sanitaire Anses salué comme une avancée par des associations.

Il n’existe pas de critères de diagnostic de l’EHS validées à ce jour“, note l’Anses dans cet avis publié mardi 27 mars 2018. Mais “quoi qu’il en soit, les plaintes (douleurs, souffrance) formulées par les personnes se déclarant EHS correspondent à une réalité vécue“. L’Anses évoque différentes hypothèses pour expliquer ces plaintes, dont un dysfonctionnement du système nerveux central, des perturbations dans la production de neurotransmetteurs, l’existence d’un terrain migraineux… Ou l’effet nocebo. Au contraire de l’effet placebo, l’effet nocebo désigne l’apparition de symptômes causée par la suggestion ou la crainte que l’exposition à un médicament ou à des facteurs environnementaux est nuisible.

Au-delà du constat des souffrances, les experts recommandent “une prise en charge adaptée par les acteurs des domaines sanitaire et social” pour des patients qui subissent en plus parfois un “isolement psycho-social” en décidant de changer de mode de vie voire en déménageant dans des zones rurales isolées. Ainsi, les patients se trouvent parfois face à des médecins peu à l’écoute. Le rapport de l’Anses met en avant le “besoin de reconnaissance” exprimé dans les témoignages des patients et leur “désir d’être pris au sérieux” par des médecins qui peuvent privilégier “une approche psychologisante du problème“, accompagnée “d’un certain mépris” à l’égard des personnes venant les consulter.

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