Inversion des effets attendus des plans Ecophyto ?

800 millions d’euros devaient permettre de réduire l’usage des pesticides en France de moitié en 10 ans. Résultat : il a augmenté de 15 %. L’argent est parti dans des projets inefficaces, lorsqu’il n’a pas été tout simplement détourné.

En 2007, Jean-Louis Borloo, alors ministre de l’Environnement, lançait le premier plan Ecophyto 2018  qui avait comme objectif de réduire de 50 % l’usage des pesticides, en 10 ans si possible, à travers ce grand programme subventionné: en 2014,  il est constaté que 361 millions d’euros ont été engloutis sans résultat.

En2019 la cour des comptes lance l’alerte: non seulement ce plan de réduction des pesticides a mobilisé 800 millions d’euros entre 2009 et 2021, mais 400 millions d’euros de fonds publics ont été dépensés pour les mêmes raisons par an, qui se sont rajoutés à cette somme.

À son arrivée au ministère de l’Agriculture, Stéphane Le Foll a tenté d’instaurer un système de pénalités afin que les vendeurs de pesticides proposent davantage d’offres alternatives à l’usage de produits chimiques. Mais le dispositif a été attaqué devant le Conseil d’État par les fabricants et les coopératives. En conséquence, “le plan Écophyto II n’a jamais été appliqué”, regrette Dominique Potier.

Un rapport administratif de 2019 du CGEDD (Le Conseil général de l’environnement et du développement durable) et du CGAAER (Le Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux) estime que : “La coordination est insuffisante au sein de la Direction générale de l’alimentation. Les tableaux (de répartition des subventions) sont renseignés de manière hétérogène, ce qui rend peu fiable une consolidation nationale.

L’un des autres postes majeurs de subventions (13,5 millions d’euros par an) correspond à l’animation d’un réseau de fermes dit “Dephy”. L’idée était de fédérer un réseau de 3 000 exploitants qui s’engagent à réduire leur usage de pesticides, et à partager leur expérience pour servir d’exemple aux autres. Les financements versés aux chambres d’agriculture devaient permettre de rémunérer des agents et de payer des frais de mission pour animer ce réseau. Le plan attribue par exemple plus de trois millions d’euros à une étude baptisée Pestiriv, dont la mission est de mesurer l’exposition des riverains des vignes aux pesticides. Sauf qu’“on a déjà fait des études de ce type”, remarque Xavier Reboud, chercheur à l’Inra et président du Comité d’orientation stratégique recherche et développement.

Le gouvernement a dévoilé son plan d’actions pour réduire de moitié le recours aux pesticides en 2025, développer les solutions alternatives (biocontrôle, PNPP …) et renforcer la protection des riverains exposés.

Selon une première étude collaborative menée par l’association Générations Futures et publiée en novembre 2021, l’exposition moyenne aux pesticides (en terme d’occurrence de résidus, de nombre de résidus trouvés et de concentration médiane) semble assez comparable que l’on soit entre 0 à 20 m des cultures ou 21 à 100 m des cultures. Ce n’est seulement qu’au-delà des 100 mètres que les teneurs en pesticides sont significativement plus bas. Cependant, la contamination peut même être détectée jusqu’à 1 500 mètres des cultures !
Autre enseignement : il est plus fréquent de détecter des pesticides à proximité des vignes (94,4 %) par rapport aux grandes cultures (73,1 %). Sur les 30 pesticides recherchés, 15 ont été détectés au moins une fois. Il s’agit de 9 fongicides, 5 herbicides et 1 insecticide. Parmi les substances recherchées et retrouvées il y a 4 perturbateurs endocriniens suspectés ou avérés, un cancérigène possible (Lénacile), un reprotoxique suspecté le spiroxamine ou encore des SDHI (boscalid et fluopyram).