Inquiétant déclin de la fertilité humaine avec les facteurs environnementaux comme évidence

Une étude publiée ce jeudi 9 juin par la revue Environment International, conduite par Andreas Kortenkamp (université Brunel de Londres) et Hanne Frederiksen (Rigshospitalet, université de Copenhague), présentent la première évaluation des risques, vis-à-vis de la fertilité masculine, des mélanges de polluants du quotidien.

Cette baisse de la fertilité masculine est un phénomène identifié depuis une trentaine d’années.« Depuis trente ans, de très nombreuses études ont été faites à travers le monde pour mesurer les caractéristiques du sperme humain, explique Pierre Jouannet, professeur émérite à l’université Paris-Descartes, l’un des grands pionniers de ce domaine de recherche. “Les plus sérieuses d’entre elles montrent un déclin de la qualité du sperme surtout dans les pays les plus économiquement développés” …. » Une variété de facteurs – alimentation, tabagisme, stress, et l’ exposition à certains produits chimiques courants, est suspectée d’être en cause”.

Pour limiter cette tendance, identifier le poids relatif des différents facteurs de ce déclin est crucial. « Déterminer le rôle de produits chimiques est particulièrement difficile à apprécier, précise M. Jouannet. En effet, en dehors d’expositions massives accidentelles, l’être humain n’est généralement exposé qu’à de faibles doses de très nombreux produits chimiques, et on ne sait pas si la combinaison d’action de tous ces produits exacerbe ou non leurs éventuels effets individuels. » Or les travaux tout juste publiés des chercheurs danois et britanniques « sont particulièrement intéressants pour répondre à ces questions », ajoute-t-il bien  qui n’ait pas participé à cette étude.

Et pourtant pour chacune de ces vingt-neuf molécules étudiées : plastifiants, polluants organiques de l’environnement, pesticides, médicaments, ignifuges, etc., les auteurs ont relevé, dans la littérature disponible, les niveaux d’exposition acceptables,  à partir desquelles des  prélèvements d’échantillons urinaires sur une centaine de volontaires danois et des études européennes de biosurveillance disponibles, les chercheurs  ont estimé l’exposition de la population à ces vingt-neuf perturbateurs endocriniens. L’exposition de la population, en particulier à travers l’alimentation et l’eau, est généralisée. Les phtalates, notamment utilisés pour conférer de la souplesse aux matières plastiques, sont également ubiquitaires. Les dioxines, elles, sont pour une part issues de la combustion des déchets : elles imprègnent l’environnement puis passent dans la chaîne alimentaire en s’accumulant dans les graisses animales.

M. Kortenkamp explique « Nous avons ensuite rapporté l’exposition estimée de la population pour chaque substance au niveau auquel des effets ne se produisent plus,  ce que nous montrons est que l’exposition combinée à ce grand nombre de produits excède largement ce seuil de sécurité. Nous parlons d’une exposition médiane qui excède d’un facteur 20 l’exposition acceptable. Les individus de notre échantillon les plus exposés sont jusqu’à 100 fois au-delà de ce seuil. C’est considérable. » C’est l’omniprésence du plastique qui est en cause dans de nombreux cas dont les Bisphénols, BPAmajoritaire, sans oublier les dioxines, les phtalates et le paracétamol et leurs effets combinés entre autres .

Rappelons dans la cadre de cette baisse de fertilité masculine l’alerte après la publication de l’étude de Shanna Swan en 2017 (université de New York)  publiée dans la revue Human Reproduction Update, qui indiquait que la concentration moyenne de spermatozoïdes de l’homme occidental était passée de 99 millions à 47 millions de spermatozoïdes par millilitre entre 1973 et 2011. Soit une chute de 50 % à 60 % en moins de quarante ans. Tout comme l’étude du Lancet de  chercheurs américains de l’Institute for Health Metrics and Evaluation (IHME, institut de statistiques médicales rattaché à l’université de l’Etat de Washington, à Seattle) qui  anticipaient une baisse importante de la fécondité dans la seconde moitié du XXIe siècle. Et la chute persiste sans que des décisions draconiennes à propos des perturbateurs endocriniens ne soient prises à la hauteur des enjeux.

Compléments :

Human Reproduction Update, Volume 23, Issue 6, November-December 2017,

https://academic.oup.com/humupd/article/23/6/646/4035689

https://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(20)30677-2/fulltext

et donc la dernière étude publiée :

https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0160412022002495?via%3Dihub