Atteindre des points de bascules est-ce inquiétant ?

François Gemenne s’exprimait ainsi :

“Le climat et plus largement l’environnement sont trop souvent traités comme des sujets secondaires. Or, l’environnement fait partie intégrante des problèmes politiques, sociaux et économiques à travers des enjeux de migrations et de sécurité avec un risque de déstabilisation d’États déjà fragilisés”.

Le monde est en train de franchir cinq points de bascule *, avec des conséquences irréversibles sur les écosystèmes. Disparition des calottes glaciaires du Groënland et de l’Antarctique Ouest, des récifs coralliens tropicaux ou encore dégel du pergélisol : ce ne sont plus des projections lointaines mais des réalités qui peuvent se produire dès maintenant, au niveau de réchauffement actuel. C’est le terrible constat que dressent des scientifiques internationaux dans une nouvelle étude publiée vendredi 9 septembre dans la revue Science.

Signes de faiblesse du Gulf Stream : une étude publiée dans la revue scientifique Nature en 2018 soulignait que le courant marin était à son plus faible niveau depuis 1 600 ans. D’autres travaux parus en août estimaient que celui-ci montrait les premiers signes d’un effondrement.

La déforestation amazonienne conduirait à un bouleversement dans le cycle de l’eau et les régimes météorologiques du monde entier. Parallèlement, avec la disparition de la forêt tout le carbone pompé et séquestré par les arbres serait relâché dans l’atmosphère et compliquerait la lutte contre le réchauffement climatique.

Sans compter que chaque année, 26 millions de personnes sont en moyenne déplacées à cause de catastrophes naturelles, soit une personne à chaque seconde où nous parlons. En 2015, trois fois plus de personnes se sont déplacées en raison de catastrophes naturelles qu’à cause des guerres et des violences. Et 86 % de ces catastrophes sont liées aux conditions climatiques. Ce phénomène est appelé à s’accentuer dans le futur.

 Au fur et à mesure que la température moyenne mondiale va s’élever, de nouveaux points de bascule seront atteints.

Le climatologue David Armstrong McKay estimait que l’humanité peut encore limiter les dégâts pour la suite. “Ça vaut toujours la peine de réduire nos émissions aussi rapidement que possible”, plaide le scientifique. Il est en effet primordial de rappeler que dans la lutte contre le changement climatique, chaque dixième de degré compte. 

*Il s’agit de seuils au-delà desquels un système change rapidement d’état et peut entraîner des réactions en chaîne irréversibles et incontrôlables à l’échelle planétaire.

Perturbation d’un courant marin majeur de l’Atlantique: l’AMOC depuis 150 ans : https://www.nature.com/articles/s41586-018-0007-4

Revue Science : https://www.science.org/doi/10.1126/science.abn7950