Elfe : une étude qui va durer 20 ans pour 20 000 bébés

ELFE: Une étude très attendue:
Vingt mille bébés français (recrutés dans 344 maternités) seront suivis à la trace pour une étude épidémiologique inédite pendant 20 ans.

Nous relayons un communiqué publié par : LE MONDE

************************

Zadig Poisson, 2,8 kg et 49,5 cm, est le premier bébé “Elfe” recruté à la maternité de l’Institut mutualiste Montsouris (IMM), à Paris.
Quelques heures seulement après l’accouchement, vendredi 1er avril, malgré l’émotion et la fatigue, sa mère, Cécile Poisson, 31 ans, a accepté de participer à la plus grande enquête épidémiologique jamais réalisée en France, l’Etude longitudinale française depuis l’enfance
(Elfe). “Un peu de mon temps ne représente pas grand-chose par rapport àtout ce que ce travail va apporter”, explique la jeune femme.

Comme Zadig, 20 000 enfants, recrutés dans 344 maternités réparties sur l’ensemble du territoire, seront suivis, de l’état de foetus à l’âge de 20 ans. La première phase de recrutement a eu lieu du 1er au 4 avril.

Trois autres suivront, début juillet, début octobre et mi-décembre.
Objectif ? “Elucider une foule de questions auxquelles nous n’avons pas de réponses pour
l’instant”, explique Marie-Aline Charles, directrice du projet, piloté par l’Institut national
d’études démographiques (INED) et l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm).

Quelle est l’influence de la structure familiale, des changements de trajectoire des parents, du milieu socio-économique sur la réussite scolaire ?
Certains choix alimentaires précoces protègent-ils de l’obésité et des allergies ?
Quel impact le mode de garde a-t-il sur l’acquisition du langage et les relations avec les autres ?
Quelle est l’influence de l’exposition aux médias et aux nouvelles technologies,de la pratique du sport ou des activités culturelles, 
sur le développement futur ?

Pour la première fois, l’exposition aux polluants (air intérieur et extérieur, pesticides, métaux lourds, bisphénol A…) sera mesurée dès la vie intra-utérine,période particulièrement critique, et son impact sur la santé à long terme évalué.
“Ce sont des questions que tout jeune parent se pose, observe Mme Poisson. Les réponses m’intéressent forcément.”

Les futurs parents entendent souvent des informations contradictoires sur l’impact sanitaire de la pollution de l’air, des ondes électromagnétiques, de l’eau du robinet… “En ce moment,l’alimentation,en particulier la viande, fait beaucoup parler. Mais on ne sait pas grand-chose, il y a beaucoup de clichés”, observe la jeune femme. Elle voit aussi dans l’étude un “levier” potentiel pour dénoncer, par exemple, la difficulté d’accès aux crèches, si ce mode d’accueil apparaît meilleur pour l’enfant.

Dans les jours qui ont suivi l’accouchement, la jeune mère a répondu aux questions d’une enquêtrice sur le déroulement de sa grossesse, et rempli un questionnaire précis:combien de douches a-t-elle pris chaque jour ?

A-t-elle utilisé du mascara, du liquide vaisselle, suivi un régime, mangé des conserves, du pain blanc ou complet… ?

Les participantes transmettent leur dossier médical.

Des prélèvements biologiques sont réalisés (sang de cordon, cheveux, lait,urines  de la mère, premières selles du bébé),et des pièges à poussières installés dans les logements, afin de mesurer les polluants dans l’air.

Afin de réduire au maximum les contraintes pour les participants, l’enquête se déroulera ensuite essentiellement par téléphone.
Une évaluation directe des aptitudes de l’enfant aura lieu à 3, 5, 6 et 11 ans.
Le suivi ultérieur n’est pour l’instant pas défini.

Les données recueillies, rendues anonymes, resteront confidentielles.
Les volontaires peuvent se retirer à tout moment.
“Quand Elfe nous a été présentée, je me suis dit “Enfin !Il était temps !”, relate Mona Negrea, pédiatre à l’IMM, qui fait partie  des enquêteurs recrutés par l’INED.

Des études comparables ont déjà eu lieu à l’étranger (Etats-Unis, Canada, Grande-Bretagne, Pays-Bas), mais jamais en France.

Son coût sur dix ans est estimé à 50 millions d’euros.
“Elfe comporte des éléments nouveaux par rapport à ce qui a été fait ailleurs, estime Patricia Dargent, directrice adjointe de l’étude. La multitude des questionnements, et l’approche pluridisciplinaire, notamment.” Une soixantaine d’équipes de recherche, composées de médecins, démographes, économistes, psychologues… exploiteront les données et des résultats seront publiés à chaque grande étape de l’enquête. L’implication du père est aussi une singularité.

Mme Negrea espère obtenir des conclusions sur “certains sujets mal connus, comme l’exposition aux polluants, l’impact du mode de garde du jeune enfant ou de la structure familiale”.

Elfe ne servira pas à “dire aux gens comment vivre, mais à influencer les politiques  publiques”, affirme celle qui a accepté d’être enquêtrice pour “donner l’exemple” et “aborder les mères différemment”.

Le taux de réponse de la première phase n’est pas encore connu, mais des enquêtes pilotes avaient montré une participation d’environ 50 % des personnes sollicitées. “C’est un taux important, qui témoigne de l’intérêt de la population”, commente Mme Dargent.

Gaëlle Dupont 6 avril 2011

Cette étude attendue depuis longtemps s’avère très prometteuse en renseignements de tous ordres